L'image est un acte qui vise dans sa corporéité un objet absent ou inexistant, à travers un contenu physique ou psychique qui ne se donne pas en propre, mais à titre de "représentant analogique" de l'objet visé. Les spécifications se feront d'après la matière, puisque l'intention informatrice reste identique. Nous distinguerons donc les images dont la matière est empruntée au monde des choses (images d'illustration, photos caricatures, imitation d'acteurs, etc.) et celles dont la matière est empruntée au monde mental (conscience de mouvements, sentiments, etc.). Il existe des types intermédiaires qui nous présentent des synthèses d'éléments extérieurs et d'éléments psychiques, comme lorsqu'on voit un visage dans la flamme, dans les arabesques d'une tapisserie, ou dans le cas des images hypnagogiques que l'on construit, nous le verrons, sur la base des lueurs entoptiques. On ne saurait étudier à part l'image mentale. Il n'y a pas un monde des images et un monde des objets. Mais tout objet, qu'il soit présenté par la perception extérieure ou qu'il apparaisse au sens intime, est susceptible de fonctionner comme réalité présente ou comme image, selon le centre de référence qui a été choisi. Les deux mondes, l'imaginaire et le réel, sont constitués par les mêmes objets ; seuls le groupement et l'interprétation de ces objets varient. Ce qui définit le monde imaginaire comme l'univers réel, c'est une attitude de la conscience.
J.-P. Sartre, L'Imaginaire, Gallimard, 1940, p. 33.
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